On peut dire que 2013 aura été riche
en roman de Justine Niogret. Après Gueule de truie, que j'avais
beaucoup aimé, Cœurs de rouille pourtant lu, apprécié mais pas réussi à
chroniquer. Voici maintenant Mordred paru chez Mnémos, ouvrage en
sortie commune « les indés de l'imaginaire » avec Même
Pas mort de Jean-Phillipe Jaworski pour les Moutons Électriques (lu,
beaucoup aimé mais non chroniqué) et La Chasse sauvage du colonel
Rels de Armand cabasson pour ActuSF.
Mordred doit être également le
premier ouvrage sorti avec la nouvelle « charte graphique »
des éditions Mnémos, nouveau format, nouveau logo etc... Et c'est
une réussite, le format est parfait et même si on ne dispose pas
d'une traditionnelle illustration de fantasy pour la couverture,
j'aime beaucoup cette photo, elle est parfaitement en concordance
avec le contenu.
Oyez la sinistre et triste histoire de Mordred, le chevalier renégat. Alité après une terrible blessure reçue lors d’une joute, Mordred rêve nuit après nuit pour échapper à la douleur. Il rêve de la douceur de son enfance enfuie, du fracas de ses premiers combats, de sa solitude au sein des chevaliers et de ses nombreuses heures passées auprès d’Arthur. Avec Mordred, Justine Niogret réussit de nouveau le tour de force d'emporter les lecteurs dans une épopée tout à la fois sombre et intime, poétique et teintée de nostalgie. Saluée par la critique comme l’une des voix les plus originales de la fantasy française, elle a obtenu de nombreux prix littéraires (Grand Prix de l’Imaginaire, Prix des Imaginales, Prix européen des Utopiales) pour Chien du Heaume et Mordre le bouclier.
Je
suis partie dans cette lecture sans avoir une bonne
connaissance mythologique de ce personnage arthurien. A part qu'il
s’avérait être un traître, et dans ce que j'en savais, était
le fils d'Arthur et de Morgane, fruit d'un inceste donc puisque
Morgane était la demi-sœur d'Arthur. Voilà tout ce que j'avais
retenu de Mordred.
Finalement,
dans le récit de Justine Niogret. C'est Morgause, la mère de
Mordred et non Morgane. Quelques recherches permettent de voir que
selon les récits arthuriens, soit c'est Morgane soit c'est Morgause
la mère. Ce qui ne change pas grand chose, elles sont toutes deux
sœurs et Arthur reste leur demi-frère. Par contre, je crois qu'il
est essentiel avant de commencer Mordred de savoir que c'est le fils
d'Arthur. Ça nous permet de bien comprendre ce qui lie tant le neveu
et l'oncle, toute cette vie faite de non-dits, où tout le monde sait
mais joue à faire semblant.
Justine
Niogret nous offre ici un récit d’introspection où l'on découvre
Mordred. L'auteur navigue entre son enfance, son adolescence et sa
vie de souffrance adulte. Car il languit depuis un an à cause d'une blessure
de joute mal remise qui l'oblige à rester quasiment alité faute de
pouvoir marcher, se lever. Alors il divague, ressasse le passé,
essaye d'apprendre sur lui même. Comme toujours avec Justine
Niogret, la plume s'avère magnifique.
Sais-tu je rêve d'avant. Lorsque je savais marcher, monter à cheval, frapper de la masse. Lorsque on corps servait à autre chose que chier dans la douleur, à manger pour nourrir ce nid d'araignées au creux du dos, à m'empêcher de tousser mon hiver pour ne pas sentir mes reins se déchirer. Chaque jour je m'endors de tristesse, de fadeur. Je fais passer le temps en devenant coquillage assoupi. Je dors de découragement d'être ce sac de viande encore assez nerveux pour porter mon déplaisir.
Elle nous offre une autre
interprétation du mythe de Mordred, plus subtil, plus beau, cette
interprétation m'a fait penser à la nouvelle d'Anne Fakhouri « ce
que chuchotait l'eau » où Anne offrait un autre visage à
Key, moins méprisant que dans le mythe Arthurien. C'est Exactement ce
qu'à fait Justine Niogret avec Mordred, nous servir un personnage
plus humain, nous faire voir et comprendre le monde à travers les
yeux de Mordred. Finalement même si l'ensemble reste teinté de noir
la fin se révèle plus lumineuse enfin pour ma part. Justine Niogret
nous donne à voir, à comprendre ce qui de prime abord sera
interprété comme un acte de traîtrise et ce qui finalement est
sans doute un acte de bravoure.
Justine Niogret signe ici un très beau roman qui revisite avec subtilité le mythe du personnage de Mordred avec une plume toujours aussi efficace, pour un roman court mais relativement intense qui s’inscrit plus dans l’introspection que dans l'action.
3ème participation au Challenge Francofou |
Il faut que je lise celui-là, tout comme "Coeur de rouille". Malgré la relative déception de "Gueule de truie", je continue à beaucoup apprécier ce que fait Justine Niogret.
RépondreSupprimerMoi aussi, et j'avoue avoir d'autant plus apprécier Mordred au moment où j'ai commencé à rédiger la chronique. Comme Gueule de Truie, d'ailleurs. Ses deux romans m'ont laissé une impression un peu flou une fois fermé, mais dès que j'ai commencé la rédaction j'ai mieux saisi la portée et compris que j'avais aimé.
RépondreSupprimerFaut que je le lise (allez bonne résolution 2014 ! :D)
RépondreSupprimerJe l'avais chroniqué cet été, un très beau roman, intimiste au possible, mais excellemment maîtrisé.
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