vendredi 21 mai 2021

[ Far North ] Au nord du monde - Marcel Theroux




Ré édition : Zulma
Titre V.O Far North
Traduit par de l'anglais par Stéphane Roques 
Prix papier 20 € / Numérique : 12,99 €
397 pages 



Ici, dix mois par an, le climat mord la peau. Le silence règne, désormais. La ville est plus vide que le paradis.»
Au nord du monde, la terre s’étend à perte de vue, anéantie par un cataclysme. Parmi les décombres, le shérif Makepeace erre. La route porte ses pas, à la recherche d’un temps qui n’existe plus et d’une humanité à reconstruire. Ravivant à l’horizon la lueur d’une rédemption…
Un roman visionnaire et obsédant sur la beauté du monde et sa fragilité. 


Dans ce roman nous découvrons Makepiece, rien que le nom laisse songeur, shérif de son état, celui-ci continue à faire des rondes dans son village Natal, Evageline. Village de quakers, installés depuis à peine une génération par choix d'une vie simple, épurée, loin des grosses villes et de leur technologie. Les Parents de Makepiece ont fait ce choix et se sont donc établis en Sibérie, quittant leurs Amériques. Seulement, Makepiece patrouille dans une ville fantôme, seule âme encore vivante de ce désert glacé, il y a eu visiblement un bouleversement, de quel ordre, nous n'en savons guère plus...
« Chaque fois que je montais en selle dans la cour et que je sortais, j'estimais que tous ceux que je croisais avaient, d'une façon ou d'une autre, l'intention de me tuer ou de me voler. Mais je ne pouvais pas vivre comme ça sous mon toit. J'ai décidé de faire confiance à Ping, pas parce que j'avais un bon instinct à son sujet - je ne le connaissais ni de Ping ni de Pong – mais parce que je ne pouvais vivre autrement. »

Et c'est avec ce personnage, qui se dévoile peu à peu, fragment par fragment dans cet environnement hostile qu'est la Sibérie que se plante le décor de ce roman. Où les conditions de survie dans un monde sont telles que l'Homme confronté à ce bouleversement, fera le choix comme beaucoup de se ranger dans ces pires retranchements où l'exploitation humaines est monnaie courante, où la confiance en son congénère n'est plus qu'un rêve éphémère. C'est donc dans les pas de Makepeace que nous suivons ses aventures, ses déboires passant du fatalisme, comme à la combativité. Un personnage doté d'une extrême pudeur, où les émotions nous pénètrent immanquablement. 


« Il ne pensait pas à mal, mais c'était quand même un peu vexant. Je suis susceptible pour ces choses-là. J'ai des manières frustes. J'ai déjà agi avec brutalité. Mon ignorance m'inspire de la honte, comme le gouffre entre moi et mes parents. 

Il est très difficile de s'étendre d'avantage sur ce livre, un roman magnifique qui s'est vu doté d'un excellent travail de traduction. Je me réjouie vraiment que ce livre est fait l'objet d'une lecture commune et donc d'échange entre lecteurs, tant le livre est riche d'autant plus qu'il se révèle très complexe à chroniquer tant il est important de préserver le futur lectorat, il serait vraiment dommage d'un dire plus. 



Je finirais avec un extrait de la postface brillamment écrite par Haruki Murakali :

 « Nous savons déjà que les événements décrits ne relèvent pas d'un simple postulat fictionnel, mais sont le reflet d'une réalité qu'il nous est impossible de ne pas regarder en face, ou d'une autre chose subordonnée à la réalité. Ce que nous découvrons en lisant une histoire est assurément une émotion partagée, fût-elle douloureuse. En l’occurrence, nous trouvons dans ce récit un canal fiévreux, large, pulsant et torturé... »

La chronique Jae-louVert, LorhkanLune, Rose, Nathalie et celle de Gromovar

dimanche 16 mai 2021

Aucune terre n'est promise - Lavie Tidhar

 


Editions : Mnémos 
Label : Mu
Traduit de l'anglais par Julien Bétan
Prix papier : 21 € / prix numérique : non disponible 
259 pages


4ème de couv : Berlin. Lior Tirosh, écrivain de seconde zone, embarque pour la Palestina, fuyant une existence minée d’échecs. Il espère retrouver à Ararat City la chaleur du foyer, mais rien ne se passe comme prévu : la ville est ceinturée par un mur immense, et sa nièce, Déborah, a disparu dans les camps de réfugiés africains. Traqué, soupçonné de meurtre, offert en pâture à un promoteur véreux, Lior est entraîné malgré lui dans les dédales d’une histoire qu’il contribue pourtant à écrire. Lavie Tidhar questionne nos identités, et le prix qui leur est attaché. Aucune terre n’est promise est un roman d’une incroyable lucidité sur les enjeux d’Israël, microcosme du monde. Il n’en cède pourtant rien à la poésie, seule utopie capable encore d’incarner la paix.

Pour compléter la 4ème de couverture, Lior Tirosh n'est qu'un des protagonistes. Le récit nous en fera découvrir trois => 3 personnages, 3 modes de récits, 3 vies différentes et un point de convergence.

Je ne suis plus très exercée à la rédaction de billet pour un livre. Il me semble pourtant essentiel de donner mon avis, surtout au vue de commentaire glaner chez les blogopotes ici par exemple. Je souhaitais ajouter une petite touche aux très belles chroniques qui l'encense déjà.

Ce livre a le mérite de regrouper de nombreux atouts :
  • Aborder un thème "complexe" ( ou qui nous complexe) pour nous (Français), le conflit israélo/ palestinien, notre "opinion" se retrouve pris en étau entre la pression de notre Histoire (avec un grand H) et notre sentiment d'injustice comme le résume le titre du livre : Aucune terre n'est promise. Avec ça nous voilà bien avancé... Et tout est une question de point vue.
  • Le livre aborde ce thème par le biais de l'uchronie et par des réalités parallèles. Et nul besoin d'être féru d'histoire pour bien appréhender le récit. => Le Projet de colonie juive en Afrique a été accepté, va naitre donc Palestina, la nation juive d'Afrique. L'auteur prend le temps de l'expliquer parfaitement au début du livre.
  • La construction du récit, basculant d'un protagoniste à l'autre, en changeant de la 3ème personne, à la 1er personne ou même la 2nd personne. Une fois les wagons accrochés cela vient bien dynamiser le récit et le rythmer. Surtout il va donner un autre angle de vue au conflit. Chacun des protagoniste a son histoire, sa construction, son vécu et donc son conditionnement. 
  • Le livre nous pousse à la réflexion et nous fait très certainement grandir. Je me souviens de ce sentiment similaire à la lecture du livre "Il faudrait pour grandir oublier la frontière" de Sébastien Juillard. Novella hautement recommandée 
  • Dernier point et non des moindres, ce livre est totalement abordable. Il se lit très bien, la touche de SF comme il faut et il ne faut pas bac + 10 en pour le comprendre. L'auteur aborde différent point de vue sans jugement, avec empathie, nous questionne, bref nous grandit. 
Si vous aviez encore des craintes vis à vis du thème qu'aborde ce livre, franchement, faites tomber vos barrières, ça vaut vraiment le coup. Il y a tellement de transposition à faire dans notre histoire, tellement de questionnement, de remise en question, ça nous bouscule gentiment mais justement. 


J'ai juste un petit ajout à faire sur le label MU et l'objet livre, j'ai adoré le format, très bonne prise en main, la souplesse du bouquin sans crainte de casser le dos. Et enfin, la qualité du papier sans transparence, je suis un poil exigeante, mais ça me perturbe de voir la page suivante en filigrane. Du coup je tenais à saluer cet objet livre également. 








Le livre finalement nous donne une très belle réponse au conflit, nulle besoin peut être de se forger une opinion (ce qui n'empêche de condamner certains actions) 

samedi 17 avril 2021

Elmet - Fiona Mozley

 


Editions : Folio 
Traduit de l'anglais par Laetitia Devaux
Prix papier : 8,10 € / Numérique : 7,90 € 
307 pages 


John Smythe est venu s'installer avec ses enfants, Cathy et Daniel, dans la région d'origine de leur mère, le Yorkshire rural. Ils y mènent une vie ascétique mais profondément ancrée dans la matérialité poétique de la nature, dans une petite maison construite de leurs mains entre la lisière de la forêt et les rails du train Londres-Édimbourg. Dans les paysages tour à tour désolés et enchanteurs du Yorkshire, terre gothique par excellence des soeurs Brontë et des poèmes de Ted Hughes, ils vivent en marge des lois en chassant pour se nourrir et en recevant les leçons d'une voisine pour toute éducation. Menacé d'expulsion par Mr Price, un gros propriétaire terrien de la région qui essaye de le faire chanter pour qu'il passe à son service, John organise une résistance populaire. Il fédère peu à peu autour de lui les travailleurs journaliers et peu qualifiés qui sont au service de Price et de ses pairs. L'assassinat du fils de Mr Price déclenche alors un crescendo de violence ; les soupçons se portent immédiatement sur John qui en subit les conséquences sous les yeux de ses propres enfants... Ce conte sinistre et délicat culmine en une scène finale d'une intense brutalité qui contraste avec la beauté et le lyrisme discret de la prose de l'ensemble du roman


Je ne peux pas donner mon avis sur ce livre sans faire un aparté sur le pourquoi-comment je fais revivre mon blog. 
Déjà j'ai eu une panne de lecture qui a duré bien trop longtemps, j'ai bien eu du mal à remettre le pied à l'étrier. J'ai réussi grâce à Betty de Tiffany McDaniel (un pur bijou ce livre). 
Cela m'a permis de faire un premier constat c'est que je suis de plus en plus attiré par le nature writing. Après je n'abandonnerai pas la SF, je fais pas une crise de la quarantaine au point de me dénaturé autant !

Le second constat c'est fait lors d'une discussion avec mon podologue ! Oui nous avons sympathisé avec notre podologue en même temps il lit de la SF, fait sa bière et aime Star Wars ( un type bien !) 
En plein échange sur nos lectures et conseils de découverte SF, passant par Lovecraft, Dan Simmons, Walter Tevis, François Baranger et Argyll éditions... Je lui ai parlé de mon blog et la nostalgie prenant le dessus. Je suis retournée lire mes billets, mes bilans Z. Et merde, je me suis rendue compte que la fille qui tenait ce blog elle me manquait. 

Venons en au livre !


Elmet c'est d'abord un vieux royaume celtique d'Angleterre, intégré au Yorkshire depuis des siècles. 
Ce titre quelque peu nébuleux prend son sens dans l'essence même du récit.  

Elmet, c'est le récit d'un adolescent, Daniel, en construction, qui vit et grandit auprès de sa sœur et de son père. En constance introspection, ce jeune homme recherche ses racines en les observant. 
Son père, John, est une montagne, une force de la nature, qui s'est servi de son physique pour faire de cet atout un outil de travail.  John gagne sa vie en gagnant des combats clandestins. Cathy, la sœur, a hérité de la force et du charisme de son père. Lui se sent diffèrent, d'un physique plus fluet, d'une personnalité moins prononcé. Il va trouver un repère auprès de Vivien, qui vit dans la maison la plus proche de la leur, à 2 km. 

Les adolescents et leur père vivent à l'orée d'un bois, parcelle sur laquelle le père a construit une maison. Ils y vivent en quasi autarcie et de manière marginale. Les enfants déscolarisés occupent leur journée en chasse, jardinage et en passant, surtout pour Daniel, du temps à discuter avec Vivien et en découvrant les livres qu'elle possède. 

Seulement John a construit cette maison sur un terrain qui ne lui appartient pas. Et il va en faire les frais. Deux mondes s'affronte, des valeurs différentes, une perception de la vie différente. John occupe un terrain laissé à l'abandon, qui avait appartenu à la mère des enfants mais vendu à un oppresseur local, Price, qui fait respecter la loi à sa façon.  
Là où John et ses enfants, jouissent des bienfaits de la nature, se nourrissant d'une chasse respectueuse des proies. Price y voit du braconnage et une violation de sa propriété. Price entend faire valoir ses droits à sa façon. 
John va alors chercher des soutiens parmi les personnes qu'il a pu aidé et auprès de gens faisant les frais du même oppresseur. Il va miser toute sa défense sur une lutte contre Price dans le but de sauver sa famille. 
Mais rien ne va se passer comme prévu, Daniel et sa famille vont payer le prix fort de cette opposition. 

Récit captivant et pastoral. L'ambiance générale du livre y reste cependant pesante. Daniel semble mal dans sa peau et a conscience de la marginalité de sa famille. Il en ressent les bienfaits et les limites sans pour autant les textualiser dans son récit, ni les opposé à son père.

Je suis rentrée très vite dans le récit, Fiona Mozley a su m'embarqué dans la vie de Daniel. Qui dresse le portrait d'une famille marginale qui ne fait de mal à personne, mais dont la singularité dérange pour peu qu'en plus elle se mette dans l'illégalité. Récit transposable, où l'inconnu fait peur et nous confronte à la limite notre tolérance. 


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