Editions : Denoël
Collection : Lunes d'encre
Date de parution : 10/04/2014
Prix : 21,50 €
352 pages
Morwenna Phelps, qui préfère qu'on l'appelle Mori, est placée par son père dans l'école privée d'Arlinghurst, où elle se remet du terrible accident qui l'a laissée handicapée et l'a privée à jamais de sa sœur jumelle, Morganna. Là, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres de science-fiction. Delany, Zelazny, Le Guin et Silverberg peuplent ses journées, la passionnent.Un jour, elle reçoit par la poste une photo qui la bouleverse, où sa silhouette a été brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est une sorcière, sa propre mère qui plus est? Elle peut chercher dans les livres le courage de combattre.Ode à la différence, journal intime d'une adolescente qui parle aux fées, Morwenna est aussi une plongée inquiétante dans le folklore gallois. Ce roman touchant et bouleversant a été récompensé par les deux plus grands prix littéraires de la science-fiction : le prix Hugo et le prix Nebula. Il a en outre reçu le British Fantasy Award.
J'ai mis ci-dessus
la 4ème de couverture, pourtant je dois dire que je ne la trouve pas
forcement représentative du livre, mais cela dépend sans doute de
notre implication de lecture. Morwenna, c'est quoi ou plutôt c'est
qui ? C'est une jeune Galloise qui tente de se reconstruire
après le décès tragique de sa jumelle dû à un accident qui l'a
laissé elle-même handicapée, pour cela elle se noie littéralement
dans les romans de science-fiction. Le roman est un hymne aux romans
SFFF des années 70. Sous la forme d'un journal intime, Morwenna nous
fait partager son regard sur elle, la société et surtout les romans
SF.
« Ce qui m'a toujours plu dans la science-fiction, c'est qu'elle vous fait réfléchir et regarder les choses sous des angles auxquels vous n'auriez jamais penser. »
Son quotidien est affûté par toutes ces lectures ingurgitées,
son handicap lui donne du temps pour lire, ne pouvant participer aux
cours d'éducations sportives. Morwenna peine à trouver sa place
dans cette école « anglaise » d'Arlinghurst, elle
n'arrive pas à s'intégrer ni à comprendre les codes qui
constituent le quotidien de ce pensionnat. La bibliothèque de
l'école ne la rassasie pas, celle-ci n'étant pas assez fournie en
littérature SF, elle se dirige alors vers la bibliothèque
municipale à laquelle elle se rend tous les samedis et où elle peut
commander des livres dans d'autres bibliothèques ( le prêt entre
bibliothèques ! ), jusqu'à ce qu'elle soit conviée à
rejoindre un club de lecteurs SF, où elle va enfin trouver des
interlocuteurs qui seront à même de la comprendre et de partager
ses nombreuses lectures. Mais Morwenna doit également se battre
contre la sorcellerie de sa mère, qu'elle a d'ailleurs tenté de
fuir après le décès de sa sœur, c'est pourquoi elle se retrouve
dans cette école privée, loin de son Pays de Galles natal, sous la
tutelle de son père qu'elle n'a jamais connu et de ses tantes pour
lesquelles elle nourrit une vive méfiance.
Je peux vous le
dire dès maintenant, ce livre sera un roman culte pour moi. Je sais
très bien qu'il résonne en moi peut-être plus qu'en d'autres
lecteurs, probablement qu'une autre vie ne m'aurait pas fait autant
aimer ce livre. Mais voilà, ce livre, je l'aime, pourtant il m'a
beaucoup affecté, m'a infligé plus de tourments qu'aucun autre
livre, mais il sonne tellement juste...
« Si elle avait vécu, nous serions devenues des personnes différentes. Je crois. Je ne crois pas que nous aurions été comme les tantes et que nous serions restées ensemble tout le temps. Je pense que nous aurions toujours été amies, mais nous aurions habité des lieux différents et nous aurions eu des amis différents. Nous aurions chacune été la tante des enfants de l’autre. Il est trop tard pour ça maintenant. Je vais grandir et pas elle. Elle est figée où elle est et je change, je veux changer. Je veux vivre. J’avais pensé que je devais vivre pour nous deux, parce qu’elle ne le pouvait pas, mais je ne peux pas vraiment vivre à sa place. Je ne peux pas savoir ce qu’elle aurait fait, de quoi elle aurait eu envie, comment elle aurait changé. Arlinghurst m’a changée, le club de lecture m’a changée, et cela aurait pu la changer différemment. Vivre à la place d’un autre n’est pas possible. »
Évidemment le
fait que Morwenna soit une lectrice fanatique du genre SF contribue
grandement à cet attachement viscéral que l'on peut avoir pour
elle. Même si le livre se veut intimiste, forcément, c'est le
journal de Morwenna, elle garde tout de même une certaine pudeur,
elle ne s’épanche jamais du déchirement de la perte de sa sœur,
on le ressent, par moment, sur certains paragraphes, et c'est surtout
un énorme vide qui est ressenti par le lecteur. Ce vide, ce manque,
ce fantôme à la périphérie de sa vie est absolument poignant et
criant de vérité. La lecture de SF est pour Morwenna un point
d'ancrage face à cet ouragan qui lui a fait perdre tous ces repères,
la perte de sa sœur, l'arrachement à ses racines galloises. Ses
lectures l'aident à se construire, à grandir et à aiguiser son
sens critique, et lui permettent ainsi d'avoir un regard ouvert et tolérant
sur la société, loin finalement des préoccupations des jeunes
filles de son âge. Morwenna
est une jeune fille très brillante, avec une pertinence dans ses
réflexions faisant preuve d'une maturité bluffante.
Les
nombreuses références aux ouvrages SF ne sont absolument pas
rédhibitoires, cela aura je pense une portée différente selon le
lectorat. Pour ma part, je n'ai lu que très peu d'ouvrages cités
par Morwenna et à l'heure d'aujourd'hui cette lecture m'a donné
envie de découvrir toutes ces œuvres citées, pour le lecteur
assidu de SF ayant lu nombre des références citées, je crois que
ce roman résonnera comme un véritable hymne à ce genre, le lecteur
s'y sentira compris, il s'y identifiera à coup sûr.
Morwenna est un
énorme coup de cœur, dont le livre ne demande qu'à être partagé.
Merci à Jo Walton, qui signe ici un sublime roman. Tout en
faisant l'apologie de la littérature science-fictive, l'auteure a su
également asseoir son roman sur une très belle intrigue.
Maintenant qu'il est dans ma PàL, la question est surtout combien de temps vais-je tenir avant de le lire xD
RépondreSupprimerfaut pas attendre ^^
SupprimerUn excellent roman, comme tu dis par son aspect touchant et aussi par cette déclaration à la SF. Content qu'il t'ait plu.
RépondreSupprimerQue dire qui n'ait pas déjà été dit ?
RépondreSupprimerUn grand livre, et on sent qu'il t'a vraiment touché.
Effectivement, on sent que cette belle histoire t'a touchée et les références SF sont juste un plaisir !
RépondreSupprimerC'est vraiment un très chouette livre, assurément un coup de cœur pour cette année.
RépondreSupprimerLe passage que tu cites (le second, lorsqu'elle prend conscience de sa différentiation avec sa sœur) est sûrement celui que j'aurais cité si je n'avais du en retenir qu'un seul (heureusement je n'ai pas à faire ce choix). C'est un moment extrêmement important du livre.
RépondreSupprimerJo Walton faisait mention dans une interview recente de la dimension autobiographique du livre, il ne m'a pas fallu l'interview pour le comprendre aux vues de ce paragraphe. La plus grosse torture c'est de grandir sans et avec des si.
SupprimerJe comprends maintenant très bien pourquoi ce roman est culte pour toi et pourquoi tu veux aussi le partager. "Il sonne juste", c'est exactement ça. On ne peut qu'apprécier Morwenna dont la personnalité est très bien représentée.
RépondreSupprimerJ'avais peur des références aux ouvrages SF, mais c'est passé comme une lettre à la poste :) J'avais peur d'y découvrir une histoire diluée dans un guide de lecture, mais pas du tout !